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Pourquoi les sikhs sont gentils |
La religion Sikh est la
cinquième du monde, fondée sur la base de l'enseignement de guru Nanak
(1469-1539) et surtout fondée par son successeur, désigné par lui, guru Angad
(1504-1552). Le sikhisme est une religion « dharmique », comme
l'hindouisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Guru Nanak était un éveillé, ou
un bouddha (le
mot bouddha signifie éveillé). Il a connu l'éveil, de la même façon que tous
les éveillés, c'est-à-dire en fondant sa conscience dans le Tout, par la
méditation, c'est ce que l'on appelle le « nirvikalpa-samadhi ». La Voie, et
son guru, Sri hans Yoganand ji, reconnaissent guru Nanak comme un de leurs anciens maîtres-parfaits (satguru).
Comme sri Gautama, du clan des Sakyas,
n'était pas bouddhiste, comme Lao-Tseu n'était pas Taoïste, comme Jésus n'était pas chrétien,
guru Nanak n'était pas sikh. Les religions apparaissent après la disparition du
maître vivant qui les inspirent. C'est pourquoi, dans les religions, celles qui
ont été fondées avec une base d'enseignement délivré par un satguru, ou maître éveillé, on trouve des
traces de cet enseignement. Mais l'enseignement d'un maître éveillé ne peut
être suivi que délivré par ce maître vivant.
Le sikhisme
Les sikhs révèrent dix gurus historiques,
leur doctrine se base sur les enseignements successifs de ces dix gurus, Nanak,
l'éveillé et ses neufs successeurs, qui eux ne l'étaient pas nécessairement.
Être « éveillé » n'est pas un titre, mais un état de conscience
provoqué par le « nirvikalpa-samadhi », ou fusion dans le Tout. Les
sikhs ont un onzième guru, le livre « Siri Guru Granth Sahib ». En
considérant ce livre-saint comme un guru, les sikhs contournent la difficulté
d'avoir un éveillé véritable, ayant connu le nirvikalpa-samadhi, mais un livre
ne peut pas parler ni répondre contredire un disciple, ou sikh, puisque ce mot
signifie « disciple ».
La seva
Ce texte n'a pas pour vocation d'enseigner
la doctrine sikh, ni l'histoire du sikhisme mais de mettre l'accent sur une
tradition des sikhs, particulièrement caractéristique de cette religion et de ses
croyants : la « seva », ou service désintéressé. Cette tradition
n'existe pas seulement pour le sikhisme, le siddha-yoga, par exemple, a la
« seva » comme pilier essentiel à sa sadhana. « C’est la seva qui accélère la sadhana et qui
éclaire le chemin qui mène à Dieu. » (l'enthousiasme, par swami
Chidvilasananda). Mais dans le siddha-yoga, la « siva » correspond au
« service », qui est un des quatre
piliers de La Voie et qui
consiste à faire tout ce que l'on a à faire, dans la journée, en restant centré
sur le « Soi » véritable. Sur La Voie, nous avons une technique de méditation particulière qui permet de faire ça. La tradition de la
« seva » est nommée, sur La Voie, le « service ».
Article de
Jasreen mayal Khanna
Ce qui suit est extrait d'un article de
Jasreen Mayal Khanna qui nous explique pourquoi les sikhs sont des bienfaiteurs
invétérés, par l'observance de leur tradition de la « seva ». Sur
n'importe quelle scène de catastrophe, vous trouverez des volontaires sikhs,
nourrissant les migrants, aidant les victimes d'émeutes et reconstruisant des
maisons après des tremblements de terre.
De la crise des Rohingyas, au Myanmar, aux
attaques terroristes de Paris, des marches des agriculteurs, en Inde, aux
manifestations en Amérique contre le meurtre de George Floyd, les membres de
cette communauté de 30 millions de personnes dans le monde, ont pour tradition
d'aider de parfaits inconnus dans les moments les plus sombres.
Au cours de la pandémie, ils ont atteint
de nouveaux sommets. Dans l'ouest de l'Inde,
au Maharashtra, un « gurdwara » (ashram et lieu de culte sikh), a
nourri deux millions de personnes en dix semaines l'année dernière. D'autres
gurdwaras, en Inde, ont fondu l'or qu'ils avaient collecté, au cours des
cinquante dernières années, pour créer des hôpitaux et des collèges médicaux.
Des ONG sikhes ont mis en place des « langars d'oxygène » (Les
« langars » sont les cuisines communautaires des gurdwaras) pour
fournir gratuitement de l'oxygène à la population, alors que l'Inde haletait et
vacillait à cause de la deuxième vague mortelle de coronavirus.
Pourquoi
cette gentilesse des sikhs ?
Comment les sikhs sont-ils devenus les
bons samaritains du monde ? La plupart des religions recommandent à leurs
adeptes d'aider les autres et de faire le bien, mais comment les sikhs sont-ils
passés de la parole aux actes ? Cela remonte à leur fondateur, Guru Nanak,
qui prêchait que le service désintéressé, ou « seva » et le travail acharné
sont aussi importants que la prière. Ceci dit, je ne suis pas sûr que guru
Nanak ait donné à la seva le même sens que ses successeurs. On a vu, plus haut,
que le siddha-yoga pratiquait aussi la seva, sans lui donner cette connotation
altruiste, qu'elle était une pratique spirituelle consistant à agir tout en
restant centré sur le Soi véritable.
Sur La Voie, le service (un des quatre
piliers de la pratique, ou sadhana) la siva est nommée le « service »
et le service n'est pas « rendre service » mais, comme pour le siddha-yoga,
le fait d'agir en conscience du Saint-Nom. « Faire tout
dans le Saint-Nom est service, le non-agir. » (Bhaktimàrga, ou le livre de La Voie, 2-3-6). Le service est le
non-agir, un autre maître-parfait (éveillé) de La Voie en a parlé ;
Lao-Tseu : « Celui qui a
réalisé, agit dans le non-agir, détaché des fruits de ses actes, conscient de
l'Unité du Tout. » (Tao-Te-King, extrait de 1.2)
Il semble que les sikhs, après la
disparition de guru Nanak et au fur et à mesure du temps et des enseignements
des neuf gurus successeurs de Nanak, le service, ou non-agir ou
« seva », soit devenu autre chose : rendre service. Lorsque les sikhs
visitent le gurdwara (ashram), ils passent du temps devant le livre
saint, à remercier et à prier, mais
ils consacrent tout autant de temps à aider à préparer et à servir les
« langars » ou repas, à s'occuper des chaussures des dévots et à
nettoyer les locaux. Dans les ashrams de La Voie, en Inde, les visiteurs,
pratiquants ou aspirants, font la même chose, à ceci près que le plus
important, c'est la concentration sur le Soi profond plus que le côté
désinteressé de l'action, même si cette facette est importante.
Les temples sikhs ne sont donc pas
seulement des lieux de culte, ce sont des cuisines communautaires, des refuges
pour sans-abri et des centres communautaires, un endroit où l'on peut se sentir
chez soi si l'on n'en a pas. En faisant de la « seva » un des piliers
essentiels de leur sadhana, Guru Nanak et ses successeurs ont inscrit le service
dans leur ADN. C'est pourquoi Baljinder Singh, vendeur de légumes sikh, passe
tous les vendredis après-midi, depuis 40 ans, à s'occuper des chaussures des
musulmans qui prient dans sa mosquée locale au Pendjab. « Pour moi, l'humanité est au-dessus de toute
religion », dit-il.
Les bienfaits
de la générosité
Des études montrent que le fait de
détourner notre attention de nos propres problèmes, pour aider les autres, peut
faire des merveilles pour notre santé mentale. Le fait de donner est associé à
des avantages : baisse de la tension artérielle, diminution du taux de
mortalité, amélioration de l'humeur et augmentation des marqueurs du bonheur. Ceci dit ce n'est pas le but de la spiritualité,
le but est la réalisation de notre venue sur Terre, dans cette incarnation et ce but
n'est pas de rendre service aux autres mais de se libérer du cycle des incarnations par la réalisation. Mais s'entraider, entre frères
humains, ne peut pas faire de mal et, quand on fait du bien aux autres, il en
résulte toujours l'expérience d'une grande satisfaction.
Il y a aussi quelque chose de puissant et
d'apaisant dans le fait de travailler à la main. Parlez aux fileurs de fils de
pashmina (laine de chèvres des hautes altitudes) ou aux fabricants de pinceaux
de maquillage japonais ; ils comparent leur travail minutieux à une sorte
de méditation. L’ébéniste travaillant à la restauration d'un meuble
ancien et précieux, un horloger, un luthier, bref, toute personne focalisant
toute son attention de façon importante, ressent la paix du dedans venir à la surface de leur conscience et en
éprouvent de la joie, que l'on peut nommer béatitude.
L'altruisme des sikhs
Un autre exemple de l'altruisme des sikhs,
même si des chrétiens, des athées peuvent montrer les mêmes dispositions, celui
de Nisharat Kaur Matharu, 97 ans, qui a cuisiné dans un refuge pour sans-abri à
Southall, à Londres, pendant la pandémie. Une autre sikh, madame Matharu a
atteint l'âge où elle pourrait se reposer, mais elle pense que tant que vos
mains et vos pieds fonctionnent, vous devez les utiliser au service des autres.
Le travail est donc son remède, son élixir de jouvence.
Il y a aussi le sikh danseur Hasmeet Singh
Chandok, que l'on prenait souvent pour un musulman, en Nouvelle-Écosse où il
vit. Pour sensibiliser les gens, il a commencé à réaliser des vidéos de bhangra
(danses folkloriques indiennes du Penjab) qui sont devenues virales. Au lieu de
devenir amer, il a aidé les autres et a trouvé le bonheur lui-même. Le but de la spiritualité n'est pas d'être heureux, mais
d'être heureux ne fait pas de mal !
La bonté est quelque chose de pratique.
Les sikhs prient quotidiennement pour deux choses. La première est
« sarbat da bhalla » ou le bien-être de tous et, ce faisant, ils
acceptent tous les êtres comme dignes. C'est la racine du « seva »
selon le sikhisme et la raison pour laquelle les gurdwaras sont ouverts à tous.
La seconde est la positivité éternelle, ce
qu'ils appellent « chardi kala ». « Le chardi Kala est synonyme de « résilience », le symbole de la force, du
courage face à l'adversité. Le concept pour le sikhisme peut se traduire
par : « bonne humeur », « être toujours positif »,
« aller de l'avant » par exemple. Chardi Kala reflète un état
d'esprit basé sur le dévouement et la Volonté de Dieu. Il faut remplir ses
obligations quelles que soient les difficultés. Suivre les trois piliers en
fait partie. » (Wikipedia). Ici, vous voyez que la sadhana repose sur
trois piliers édictés par Guru Nanak. Quand on les considère attentivement, ces
trois piliers, on y retrouve les quatre piliers de La Voie, son agya. C'est normal, puisque guru Nanak était un maître-parfait
de La Voie, de son vivant.
Le bonheur
La motivation pour faire la
« seva » est donc de trouver un bonheur utile dans notre vie. Elle
devrait être d'obéir aux préceptes du maître et de réaliser la raison d'être de
la sadhana, mais un sikh (disciple) est avant tout un être-humain et les êtres
humains aiment le bonheur, oubliant souvent la vraie raison d'être de leur vie.
Les psychologues s'accordent à dire que
nous avons besoin de deux types de bonheur pour vivre pleinement notre vie. Le bonheur hédoniste dépend de facteurs externes
tels que les compliments, les achats ou les voyages et le bonheur eudémonique
(qui signifie bonheur ou bien-être en grec) provient de l'apprentissage d'une
nouvelle compétence, du temps passé en famille ou de l'accomplissement d'un
service communautaire. Les sikhs sont capables d'intégrer les deux.
Cela signifie-t-il que tous les Sikhs sont
joyeux et donnent de la joie ? Certainement pas. La communauté a connu des
excès. Il existe des problèmes aussi chez les Sikhs. Par exemple, la
toxicomanie et les crimes liés à la drogue sont beaucoup plus élevés au
Pendjab, patrie des sikhs, que dans les autres États indiens, selon l'enquête
« The Punjab Opioid Dependence Survey », menée en 2015.
Les sikhs sont aussi imparfaits et aussi
humains que le reste d'entre nous et je ne veux pas prétendre qu'ils sont
meilleurs que le reste d'entre nous. Ils ne le sont pas. Cependant, les
exhortations de leur foi et leur conditionnement font qu'ils sont plus nombreux
que d'autres à faire le bien même si le christianisme nous pousse aussi vers
les autres.
Dans le sikhisme, faire le bien devient une
célébration et non un devoir. C'est son secret. C'est pourquoi Chandok réalise
ses merveilleuses vidéos. Ou pourquoi les sikhs, présents lors des
manifestations des agriculteurs indiens contre les nouvelles lois agricoles,
ont nourri la police. De l'extérieur, ces
actes de la « seva », selon le sikhisme, peuvent ressembler à de
grands gestes désintéressés, mais en les pratiquant, on fait l'expérience de la
tranquillité et d'une joie significative. C'est une solution aussi
extraordinaire que simple.